LA BATAILLE DU DJEBEL M'ZI

(décrite par El Djeich et par la Revue historique des Armées)

Mai 6 - Bataille du djebel M'zi Nous offrons ici deux récits de la même opération dans le djebel M'zi (à 50 km au sud d'Aïn Séfra) entre la frontière marocaine et le barrage Ouest, à hauteur de Djenien Bourezg.

El Djeich , organe de l'Armée Nationale Populaire, date ce récit de mai 1959. C'est très certainement une erreur. Il faut lire 1960, car l'action décrite de l'ALN correspond exactement au combat qui fait l'objet d'un article de la Revue historique des Armées (n° 3/1995).

EL DJEICH

LA BATAILLE DU DJEBEL M'ZI VUE PAR LES ALGÉRIENS.

Les forces de l'Armée de Libération Nationale Algérienne étaient composées d'un bataillon de cinq unités solidement armées. En plus des armes individuelles, chaque unité disposait de huit pièces de mortier de 81 et de postes de transmission, disposant d'une solide liaison avec le commandement. Ayant toute facilité de manoeuvre, c'est ainsi qu'une compagnie réussit à manoeuvrer au cours des combats, à prendre position sur une hauteur que l'ennemi venait d'occuper. Auparavant, les moudjahidines avaient reçu ordre de ne se dévoiler qu'à très courte distance.

Le 5 mai 1959 au soir, l'une de ces unités part pour M'zi pendant que les autres prennent respectivement position au djebel Zranine à 20 km de M'zi face au poste français de Hadjart Mguil, au djebel Fortassa, et en face de Djenien Bourezg, formant ainsi un demi-cercle dans le Sud-Oranais, entre Béchar et Aïn Séfra.

 

A 6 heures du matin, quatre avions " B26 ", deux " T6 " ont effectué un straffing qui a duré sept heures, puis sept hélicoptères déposèrent à deux reprises des soldats à Hadjra Mardoufa qui suivirent les traces de nos combattants. Nos éléments, ayant observé les mouvements ennemis, effectuèrent un camouflage afin de les dérouter, ce qu'ils réussirent admirablement laissant sciemment une brèche au centre du demi-cercle effectué, l'ennemi suivant toujours les traces s'avança jusqu'à 20 m d'une de nos unités qui ouvrit le feu à 14 heures et, en un laps de temps, anéantit les éléments avancés de l'ennemi. Les renforts ennemis arrivèrent et le feu se généralisa. Pendant ce temps, l'artillerie de Pjenien Bou Rezg et de Dermel commença à pilonner sans aucune précision. Nos troupes bien installées et camouflées sur les rochers firent subir de lourdes pertes à l'ennemi.

A 16 heures, l'ennemi constatant ses pertes sévères (plus de 300 hommes hors de combat) retira ses troupes et fit intervenir l'aviation : six " B26 " et six " T6 " bombardèrent le champ de bataille jusqu'à 18 heure,.

Reprise des combats avec moins d'intensité à 18 h 45 et, à 21 heures, le combat cessa. L'ennemi, avec un important effectif, tenta l'encerclement du djebel M'zi.

A 21 h 30, nos unités procèdent à un tir au mortier ouvrant un passage à nos éléments qui purent décrocher et se replier.

Le 7 mai, à 5 h 45, l'ennemi déclencha une nouvelle opération d'encerclement par des troupes aéroportées.

A 6 h 30, l'adversaire, rendu plus prudent, fit intervenir son aviation et son artillerie, des renforts ne cessèrent de lui parvenir par train et camions et sont aussitôt dirigés sur le champ de bataille par 30 hélicoptères.

L'aviation intervint alors par vagues constituées de " B26 ", " B29 " et " T6 ", une cinquantaine au total. Presque tous ces appareils étaient dotés de fusils-mitrailleurs appuyant ainsi les troupes au sol, mitraillant et bombardant jusqu'à 16 heures, utilisant le " napalm ".

 

A 22 heures, l'ordre de se replier fut donné aux moudjahidines, ils engagèrent de nouvelles batailles pour forcer les cordons ennemis placés jusque sur la plaine d'Oum Larban. Ils réussirent admirablement ce tour de force emportant avec eux les blessés graves brûlés par le napalm.

Le 8 mai, des combats isolés furent menés jusqu'à 16 heures. Rahaoui Miloud nous déclare à son tour :

" Permets-moi de te dire que bien avant le combat du djebel M'zi des 6, 7 et 8 mai au cours duquel je fus blessé, j'avais participé dans le même djebel à plusieurs accrochages, ce qui me donnait un avantage précieux eu égard à la connaissance du terrain. Je te ferai grâce des détails sur le déroulement du combat, mais je te donnerai cependant un aperçu sur ce qui m'est arrivé au cours de la journée du 7 mai.

" L'arme à la main, j'étais occupé à arroser de balles les avions ennemis que je pouvais localiser dans mon champ de tir lorsque, soudainement, je me recroquevillai sur moi-même et tombai à terre ; le feu ravageait mon visage et mon casque. Je rampai instinctivement vers une grotte où je perdis connaissance. Quand je revins à moi, j'entendis des voix de militaires français qui semblaient rechercher nos blessés, c'est alors que je constatai la disparition de mon fusil.

" La journée du 8 se passa sans que je sois découvert et, aux premières heures de la nuit, je crus entendre des voix amies, c'était en effet un groupe e ma compagnie qui essayait de découvrir les blessés afin de leur prodiguer les soins les plus urgents. J'appelai un frère que je reconnus par la voix et, le mot de passe échangé, je fus évacué vers les bases arrières où je me trouve actuellement. "

la Revue historique des Armées

OPÉRATION DANS LE DJEBEL DU M'ZI (1).

En début d'article, l'auteur rappelle l'organisation des commandos Marine avant de décrire les circonstances de l'opération du M'zi.

" Le 5 juin 1959, le Groupement des commandos Marine est créé pour opérer dans le sud de l'Oranais, quadrillé en zones définies par le général Challe, dans le cadre des opérations de " nettoyage ", il comprend essentiellement un PC de regroupement, fort d'une cinquantaine d'hommes, les commandos Jaubert, Monfort, Penfentenyo et Trepel. Seuls trois des commandos se trouvent en permanence en Afrique du Nord, le quatrième Pendant ce séjour en stationnant au Corps amphibie Marine à Toulon. Pendant ce séjour en métropole, le personnel des commandos effectue une période de remise en condition et l'ensemble du matériel est remis en état.

Grâce à un entraînement intensif et spécifique, le Groupement des commandos Marine se spécialise dans les opérations héliportées qui lui confèrent une rapidité et une précision d'action, indispensable face à un adversaire , dilué " qui dispose de moyens relativement modestes, mais utilise à son avantage les difficultés du relief. Le Groupement travaille en binôme avec le Groupement d'Hélicoptères de l'Aéronautique Navale (GHAN) qui, créé en novembre 1957, est chargé du commandement opérationnel des 3le, 32e et 33e flottilles de l'Aéronautique navale. Le GHAN 1 dispose de trois hélicoptères HSS canon, de dix hélicoptères HSS cargo et de deux hélicoptères H21. Cette association se montre d'une telle efficacité qu'elle constitue l'un des outils les mieux adaptés à la lutte contre les unités rebelles.

CONTEXTE ET CIRCONSTANCE DE L'OPÉRATION

Le 6 mai 1960, l'aviation repère une unité de rebelles armés entre la frontière marocaine et le barrage électrifié, à quelques kilomètres du poste de Daiet el Ketch, dans le secteur d'Aïn Séfra, en pleine zone interdite. Elle se dirige vers la frontière marocaine pour franchir en force le barrage. Il s'agit du 2e bataillon ALN réparti en cinq atibas légères ; les 270 rebelles sont puissamment armés et fort bien équipés. Les moyens de destruction dont ils disposent - détonateurs, plastic et cisailles - ne laissent guère de doute quant à leur détermination et à leur objectif. Au début de l'après-midi, une compagnie du 2e REI se rend sur les lieux du repérage et est rudement accrochée par l'ennemi. Au prix de pertes sensibles, les légionnaires supportent le premier choc dans un terrain très tourmenté et assurent le contact. Pour mener à bien l'opération, la compagnie de la Légion ne peut opérer seule et l'envoi de renforts est impératif.

Géryville, dans le camp des commandos, c'est le calme plat en ce début d'après-midi du 6 mai. Seuls deux sticks du commando Jaubert et un stick du PC sont partis en mission de renseignements au nord-est de Géryville. Au milieu de l'après-midi, l'opération est soudainement interrompue et les commandos doivent regagner la base.

 

En effet, depuis 16 heures, " l'alerte frontière " est donnée au groupement de Géryville. Lorsque la section de Jaubert est de retour à la base, elle voit partir Monfort qui est achei-niné par ses camions vers le terrain d'aviation du Ksel (Géryville). Trepel, le reste de Jaubert et du PC se tiennent eux aussi prêts à embarquer. Quatre avions-cargos sont annoncés en provenance d'Oran et d'Alger pour acheminer le reste des commandos. Les hélicoptères du GHAN 1 embarquent successivement Monfort, Trepel et une partie de Jaubert et du PC pour Aïn Séfra. Puis les véhicules du Groupement mettent à leur tour le cap sur Aïn Séfra avec ce qui reste de Jaubert et du PC. Il ne reste à Géryville qu'une petite équipe pour la garde du camp.

LA MISE EN PLACE DE DISPOSITIF:

La 3 section Monfort arrive au début de la soirée à Aïn Séfra. A peine débarqués, les hommes remontent dans des camions de la Légion et font route sur 80 km au sud pour gagner Daiet, à proximité du PC mobile de la Légion, sur le plateau du M'zi, entre la voie ferrée et le barrage. Profitant de la clarté du jour, cette section est immédiatement héliportée sur l'oued El Mizab, en bouclage pour la nuit. Le premier élément du commando Monfort est ainsi placé en embuscade à l'ouest du dispositif pour empêcher le reflux des rebelles vers le Maroc. Il est alors prévu que le PC, Jaubert et Trepel les rejoignent le lendemain. Arrivés dans le milieu de la nuit, le reste de Monfort, Trepel et le PC arrivent à Daiet. La nuit est belle et, au-delà du barrage éclairé par les blindés à projecteurs, le Neptune et ses " lucioles " de la 28e Flotille de l'Aéronautique navale, la masse noire du M'zi se découpe, sinistre sous la lune. Seul le regroupement de Jaubert, parti par convoi routier de Géryville, ai-rive à Aïn Séfra le 7 mai vers 2 h 30 et ne rallie Daiet qu'au petit matin. Au même moment, c'est le branle-bas à Daiet : les éléments déjà présents se tiennent prêts à embarquer. Le premier héliportage du 7 mai intervient à 8 heures, après le lever du jour. Le DIH héliporté la dernière section de Monfort qui rallie le reste de son commando, renforcé peu après par la première vague de Trepel.

Le PC du 2e REI, indicatif " Boréal ", est héliporté au sommet du M'zi d'où le point de vue panoramique permet au Commandement de diriger au mieux les opérations. Mais le PC a été posé pratiquement à l'endroit où les rebelles se sont dissimulés ! Les hélicoptères essuient les tirs de l'ennemi et ne peuvent récupérer la vingtaine de légionnaires déposés. Il faut lui venir en aide au lus vite.

S'adaptant immédiatement à la nouvelle situation, le commandant du Groupement des commandos Marine, le capitaine de corvette Servent, donne l'ordre de porter secours aux légionnaires en difficulté. Alors que la deuxième vague de Trepel est en l'air pour rallier la position initialement prévue, le commandant décide de déposer les commandos sur le point où se trouve le PC du 2e REI. Mais cette zone, battue par les tirs des rebelles, est impraticable Pour les hélicoptères. Ils ramènent donc à Daiet les commandos de Trepel. Le commandant décide alors de faire héliporter les commandos Jaubert, Trepel et le PC le plus près possible du PC du 2e REI pour le dégager et détruire les ennemis. Sur le terrain, les avions d'appui au sol de J'armée de l'Air, en attendant l'arrivée des commandos Marine, attaquent les rebelles à la roquette et les obligent à se terrei- dans les nombreuses cavités qui façonnent le relief du M'zi.

Sticks après sticks, Trepel, Jaubert el le PC sont déposés sur une crête à 3 km au sud-ouest du groupe de légionnaires tenu en mauvaise posture, Le PC entreprend sa progression derrière Jaubert ; Trepel évolue dans la même direction. A 10 h 30, Jaubert parvient enfin a rallier le PC du REI. Il était grand temps : " Un légionnaire sourit largement en montrant aux commandos trois cartouches... ses trois dernières. " Jaubert porte secours au PC et se place en protection, évacuant les légionnaires morts ou blessés. Le commandant du Groupement des commandos Marine prend la suite du PC de la Légion. placé à quelques 70 ni des positions rebelles. Aussitôt arrivé, le commandant dirige l'aviation et fait " straffer " les positions rebelles par les T6 de l'armée de l'Air. 'Frepel profite de cette couverture aérienne pour commencer à tourner les positions ennemies par la droite, La configuration du terrain enip che toute action de flanc ; aussi l'assaut doit être mené de front.

L'ASSAUT :

Vers midi, le "pacha" demande à l'aviation de cesser le feu et ordonne l'assaut. Une énorme clameur jaillit de toute la ligne des commandos et, simultanément, la 3e section de Jaubert et la 2e section de Trepel partent à l'assaut de la première barre rocheuse, derrière laquelle l'ennemi est embusqué. Les sections qui ne participent pas directement à la première vague offensive appuient, avec leurs fusils-mitrailleurs, les commandos qui viennent de partir. Les fellaghas, nombreux et combatifs, les accueillent d'une salve de grenades défensives. Les voltigeurs du PC escortent les médecins qui courent sous les tirs d'armes automatiques pour soigner les premiers blessés et ramener un mort de Jaubert. Les sections ayant participé à la première vague d'assaut poursuivent leur progression, tandis que la 2e section de Jaubert, placée en soutien, s'élance sur le bord gauche de la falaise, suivie par la 3e section de Jaubert. Étonnés et " sonnés " par tant d'ardeur, les rebelles qui n'ont pas été tués pendant l'assaut prennent la fuite ou se rendent.

LA FOUILLE DU M'ZI

Il s'agit maintenant de progresser méthodiquement sur le plateau et le long de la falaise où une bonne partie des hommes du bataillon ALN a reflué. Appuyée par le feu et le mortier de 50 mm des 2 et 3e sections du commando Trepel, la ire section continue sa progression à vive allure jusqu'à la limite nord du plateau. Dans le même temps, deux sections de Jaubert descendent les pentes escarpées du djebel et en débusquent des rebelles ; la 3e section les appuie de ses armes qui balayent tout le flanc de la falaise. Les voltigeurs du PC " bouchent " les espaces entre Jaubert et Trepel.

 

Le danger est permanent : chaque trou, chaque rocher ou buisson peut constituer une cachette pour les rebelles. Ainsi, " trois commandos de Jaubert se précipitent sur un trou qui surplombe un autre groupe de voltigeurs : une grenade quadrillée vient de jaillir du trou... un des voltigeurs la reçoit sur l'oeil, puis la bloque entre ses mains... et n'a que le temps de la jeter pour qu'elle explose sans faire, par miracle, d'autres dégâts que des égratignures. Plus tard, on retrouvera, incrusté dans le briquet placé dans la poche sur le coeur du voltigeur en question, un éclat solide et pointu... ".

La ire section de Jaubert progresse dans le secteur de la falaise, tenue par une vingtaine de rebelles qui disposent d'une mitrailleuse MG 42. Faisant feu sur les commandos, ils tuent un homme de Trepel et en blessent un autre très grièvement. Une section de Trepel se porte en bordure de la falaise : environ vingt-cinq rebelles y sont débusqués.

Le commando Monfort est enfin héliporté à 1,5 km au nord-est du col où ont eu lieu les principaux engagements. Après une marche rendue très difficile par le relief particulièrement chaotique - les rochers, les trous et les buissons d'épines - il fait sa jonction vers 16 heures avec Trepel. Mais l'action principale est terminée. Le PC, Jaubert et Trepel se regroupent dans le col. Puis les commandos patrouillent à nouveau sur les lieux de l'assaut principal, sur le plateau, et font prisonniers quelques rebelles cachés, récupérant de nombreuses armes.

Le calme est revenu : les médecins du PC peuvent soigner les blessés amis et ennemis. Les hélicoptères les assistent, évacuant les morts, les blessés et le matériel récupéré. Un veilleur du Groupement signale quelques rebelles qui s'enfuient vers le Maroc ; ils seront les messagers de la défaite.

A la tombée de la nuit, le PC et Trepel dressent un bivouac dans le col, tandis que Jaubert et Monfort s'installent respectivement au sud-ouest et au nord-est du campement du commandement. Le 8 mai au matin, Trepel entreprend la fouille minutieuse du plateau. Les autres commandos effectuent la même mission dans les falaises et y rencontrent six rebelles. Quatre d'entre eux sont retrouvés tués, les deux autres sont faits prisonniers. Au milieu de la journée, les recherches terminées, le Groupement reçoit l'ordre de rentrer par l'oued Taleb où des véhicules le rapatrient en soirée à Daiet, puis à Ain Séfra.

LE BILAN

Le bilan des pertes humaines de l'opération du djebel du M'zi est assez léger du coté des commandos Marine : un second-maitre de Trepel et deux quartiers-maîtres de Jaubert et Trepel ont perdu la vie, neuf autres commandos ont été blessés (2). Pour le capitaine de corvette Servent, " le nombre très réduit des pertes subies par les commandos ne s'explique que par l'extrême mobilité du personnel et par sa technique individuelle ". En revanche, le 2e bataillon ALN compte 74 tués et 23 prisonniers. Les commandos récupèrent un matériel important : une mitrailleuse MG 42, 68 fusils, 14 pistolets-mitrailleurs, 4 pistolets automatiques, une centaine de grenades, un émetteur-récepteur et... le fanion du 2e bataillon FLN.

(1) Avec l'autorisation du rédacteur en chef de la Revue historique des Armées, nous publions des extraits de l'article du matelot jérôme souverain, intitulé : " La bataille du djebel du M’zi. Un binôme de choc : hélicoptères de l'aéronautique navale et Groupement de commandos Marine (7 mai 1960) ". RHA 3/1995, p. 119 et suivantes.

(2) Il est plus lourd pour la 11e compagnie portée du 2e REI qui comptabilise 9 morts(dont 2 sous-officiers) et Il blessés (dont 3 sous-officiers) le 6 mai sur le djebel M'zi.

Source: www.1novembre1954.com